La Tour de Nesle : de pierre, d'encre & de fiction
La Tour de Nesle : de pierre, d'encre & de fiction EN

III. Une tour de fiction. Légende, littérature et culture populaire

   Au-delà de l'histoire ou de l'image, la mémoire de la tour de Nesle se perpétue surtout dans la culture populaire grâce ou à cause de la légende qui veut qu'elle ait été le lieu d'orgies sanglantes à l'issue desquelles des princesses débauchées jetaient leurs amants dans la Seine. Basée sur un authentique scandale impliquant en 1314 les belles-filles du roi de France, cette légende se forme un siècle plus tard et ne cesse ensuite d'évoluer, au gré des connexions littéraires et des approximations historiques, inspirant ballades, drames romantiques, parc d'attraction, dessin animé, romans et films.
   La troisième partie de l'exposition évoque cette riche matière en faisant la part belle aux auteurs dont l'oeuvre souvent reprise ou adaptée, à la scène comme à l'écran, a popularisé une tour de Nesle imaginaire où tout n'est que désordre, fureur et volupté. D'une édition incunable de la Ballade des dames du temps jadis de Villon au manuscrit autographe des Rois maudits de Maurice Druon, en passant par l'édition originale de la pièce d'Alexandre Dumas ou des éditions bon marché de romans populaires, l'écrit laisse ici aussi la place au visuel avec des costumes de scène, des affiches ou des vignettes de collection.

9. En un sac en Seine

François Villon, Le Grand testament ; Ballades ; Le Jargon ; Le Petit testament. Paris : Jean Trepperel pour Michel Le Noir, vers 1494.

   En évoquant en 1461, dans une ballade qui sera imprimée plus tard avec son Grand Testament, parmi les dames du temps jadis, la « royne qui commanda que Buridan fust gecté en ung sac en Saine », Villon pose les bases d'une légende promise à un bel avenir littéraire.
   En fait, il semble que Villon ne fasse qu'évoquer là une tradition estudiantine parisienne, dont subsiste d'autres traces. Quelques années plus tard, un certain Hans Jencz reprend sous une forme beaucoup plus développée la même histoire qu'il aurait entendu racontée à Paris vers 1460 durant ses études : une reine de France et de Navarre séduit l'universitaire Jean Buridan, l'invite dans son palais au bord de la Seine puis, après trois jours d'étreintes, le condamne à être noyé comme les quatre-vingt-dix-neuf autres étudiants qui l'ont précédé mais Buridan parvient à échapper à la noyade et révèle l'infamie de la reine.

Mazarine : Inc 933 A-1

Retour au chapitre précédent 


Permalien : https://mazarinum.bibliotheque-mazarine.fr/idurl/5/18098