Le livre arménien de la Renaissance aux Lumières : une culture en diaspora
Le livre arménien de la Renaissance aux Lumières : une culture en diaspora

I. Venise

01. Le premier livre arménien (1512)

Le livre du Vendredi. Venise : Yakob Meghapart, [1512]. In-8°

   L'impression à Venise de ce premier livre arménien ne doit rien au hasard : carrefour commercial au début du XVIe siècle, principal centre éditorial européen, la cité abrite depuis le Moyen Âge une importante colonie arménienne. Ce livre rassemble plusieurs opuscules : des prières à dire au chevet d'un malade les jours de jeûne et d'abstinence (le mercredi et le vendredi), un écrit sur le mauvais œil, un charme contre les piqûres de serpents, une prière contre le fouet des démons qui provoquent les épidémies... Associant foi chrétienne, superstitions populaires et rites divinatoires, il est révélateur des goûts et de la piété de la société arménienne du temps.
   L'identité de l'imprimeur-libraire, Yakob dit le pécheur (meghapart) reste une énigme. Il publiera quatre autres éditions à Venise dans ces années 1512-1513 avant de disparaître. Pour illustrer les prières à dire au chevet d'un malade, il a réemployé une gravure vénitienne en la surchargeant pour affubler un moine occidental d'une capuche pointue et d'une barbe, et lui donner ainsi l'allure d'un vardapet arménien.
   La marque de l'imprimerie, D.I.Z.A., dans le plus pur style vénitien, peut avoir été utilisée pour brouiller les pistes, car Yakob « le pécheur » n'avait manifestement pas obtenu de privilège – strictement encadré par les autorités de la République – d'imprimer des livres en arménien : ce droit était en effet détenu par la famille Terracina depuis 1498.

Mazarine : 8° 23740-2 [Rés.]

 


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