Le tremblement de terre du 8 février 1843 en Guadeloupe
L’événement eut un retentissement mondial : la Guadeloupe fut frappée en fin de matinée du 8 février 1843 par un violent séisme qui ravagea notamment la ville de Pointe-à-Pitre, dont les rues furent dévastées par la suite par un incendie. Le nombre de victimes est estimé à environ 1200 morts, qu’il s’agisse des victimes immédiates sous les décombres ou des décès occasionnés par les différentes épidémies qui en ont résulté. Le traumatisme fut longtemps occulté par la tragédie de l’éruption de la Montagne Pelée en 1902, et son souvenir ne remonta qu’à la lumière de travaux historiographiques récents. Les conséquences politiques, urbaines, économiques furent pourtant nombreuses. La catastrophe entraîna notamment un élan de solidarité national et international, suscité par l’action vigoureuse du gouverneur de l’île, Augustin Gourbeyre. Né à Riom le 30 octobre 1786, il était entré dans la marine comme mousse et fut promu aspirant en 1803, débutant une carrière brillante qui aboutit à sa nomination au poste de gouverneur de la Guyane en 1839 puis de la Guadeloupe à partir de 1841. Il fit preuve immédiatement après le tremblement de terre d’un activisme tant dans le domaine de la circulation de l’information sur le territoire et avec la métropole que dans l’organisation des secours puis de la reconstruction. Il bénéficia pour cela d’une très grande popularité en Guadeloupe ; une commune de l’île recevra son nom en hommage après son décès à Pointe-à-Pitre le 7 juin 1845.
L’action de l’amiral Gourbeyre a été consignée par Jacques Philippe Beau, capitaine de l’infanterie de marine et alors officier d’ordonnance attaché à l’état-major du gouverneur, à travers une compilation manuscrite de lettres, arrêtés, rapports ou articles de presse centrés sur les mesures prises, les initiatives et les difficultés rencontrées. Cette compilation de transcriptions existe en deux exemplaires originaux, tous deux divisés en deux volumes et de contenu en grande partie similaire. Un premier exemplaire est conservé au département de la Marine du Service Historique de la Défense, sous la cote Ms 199. Ces deux volumes sont légèrement plus volumineux et comportent respectivement 326 et 539 pages, contre 307 et 524 pour ceux de la Bibliothèque Mazarine (Ant Ms 6). Les recueils ont certainement été constitués en même temps et possèdent des reliures identiques. Les documents transcrits sont de la même main et semblables dans les deux volumes, bien que le volume du SHD présente de nombreuses biffures non présentes dans l’exemplaire de la Mazarine. Sont intégrés également dans les deux exemplaires deux textes imprimés, Le tremblement de terre de la Guadeloupe d’André Chabert de Lacharrière (Paris, impr. E. Brière, 1843) et les Observations sur le tremblement de terre éprouvé à la Guadeloupe le 8 février 1843 de Charles Deville (Basse-Terre, Imprimerie du Gouvernement, 1843).
"Vue générale de la Pointe-à-Pitre avant le tremblement de terre du 8 février 1843", in La Guadeloupe. : Basse-terre, la Soufrière, Pointe-à-Pitre : Histoire, description, catastrophe du 8 février, Paris, Aubert et Cie, 1843 (cote Mazarine : Ant 4° 157-4)
Si aucune mention d’origine n’a été identifiée pour le manuscrit de la Marine, l’exemplaire de la Mazarine comporte quant à lui sur la dernière garde du premier volume une courte note : « Ce manuscrit unique et de la plus grande valeur appartient à Raymond Jeanvrot à Bordeaux, petit-fils de Jules P. Roubeau, négociant à la Guadeloupe, président de la Chambre de commerce et maire de La Pointe à Pitre, régent de la Banque de France, conseiller colonial, etc. et dont toute la vie fut dévouée à la cause de la Guadeloupe, né à Pointe à Pitre, place royale, 11 septembre 1816, décédé à Bordeaux le 10 février 1883 ». Le document a certainement été revendu à plusieurs reprises, deux notices issues de catalogues de vente ayant été intégrées en tête du premier volume et l'autre en fin du second volume.
Le texte a été édité par Claude Thiébaud en deux volumes en 2008 : Sur les ruines de la Pointe-à-Pitre. Chronique du 8 février 1843. Hommage à l’Amiral Gourbeyre (Paris, L’Harmattan). L’auteur a utilisé le manuscrit disponible au Service Historique de la Défense et ne semble pas avoir eu connaissance de l’existence de celui de la Bibliothèque Mazarine. Celui-ci est entré dans les collections via le don effectué en 2002 par le docteur Marcel Châtillon, qui enrichit l’établissement de près de 2000 volumes imprimés et d’une vingtaine de manuscrits consacrés à l’histoire caribéenne et antillaise. Complétant les collections anciennes de récits de voyages et diverses relations des explorations de l’époque moderne, le legs Châtillon, complété par la donation de Jean-Claude Nardin en 2013, a fait de la Bibliothèque Mazarine un des lieux privilégiés de recherche sur les Antilles.
Xavier Borda, Bibliothèque Mazarine
Bibliographie :
- Sur les ruines de la Pointe-à-Pitre : chronique du 8 février 1843, hommage à l'amiral Gourbeyre : recueil de documents et pièces officielles devant servir à l'histoire du tremblement de terre éprouvé par la Guadeloupe, Basse-Terre, décembre 1843 et mai 1844, Département de la Marine, Service historique de la Défense, Vincennes, manuscrit Ms 199-A1 et A2 ; texte établi, présenté et annoté par Claude Thiébaut ; préface d'Hélène Servant, Paris, L’Harmattan, 2008.
- "La Pointe-à-Pitre n'existe plus...!" : relations du tremblement de terre de 1843 en Guadeloupe ; établies par J. Picard ; avec la collab. de M. Chatillon, M. Feuillard, J.-M. Guibert, Cl. Thiébaut, Gosier, Caret, 2003.
- De la découverte à l'émancipation : trois siècles et demi d'histoire antillaise à travers les collections du Dr. Châtillon et de la Bibliothèque Mazarine : Bibliothèque Mazarine, 2 novembre 1998-29 janvier 1999, présentée par Marcel Chatillon et Jean-Claude Nardin, Paris, Bibliothèque Mazarine, 1998.