La Bible de Gutenberg
Premier grand livre imprimé en caractères mobiles dans le monde occidental, la Bible à quarante-deux lignes ou Bible de Gutenberg, aurait été élaborée à Mayence entre 1452 et 1454, sous la responsabilité de Johann Gutenberg (vers 1400-1468) et de ses associés Johann Fust et Peter Schöffer. Aucune des impressions attribuées à Gutenberg ne porte d’adresse ni de date. Aussi sa datation repose-t-elle sur des documents contemporains : une lettre de l’humaniste Enea Silvio Piccolomini (futur pape Pie II) du 12 mars 1455, laissant entendre qu’il en a récemment vu des feuilles imprimées ; la note d’un rubricateur datée du 24 août 1456 sur un exemplaire conservé à la BnF. C’est surtout l’analyse sans cesse renouvelée des 49 exemplaires subsistant (sur un tirage de 180 environ) et des fragments conservés, qui révèle les conditions de fabrication de cet objet fascinant.
Sur les exemplaires complets du premier état, comme celui conservé à la Mazarine, on distingue parfaitement, par exemple, les changements introduits progressivement au cours de l’impression des premières feuilles pour économiser le support (papier ou vélin) et réduire les délais de réalisation (passage d’une composition de 40 à 42 lignes ; abandon de l’impression en rouge pour les rubriques et lettrines).
Le caractère utilisé par Gutenberg et ses collaborateurs est une Textura quadrata, qui appartient à la famille des gothiques (comme 80% de l’ensemble de la production incunable). Un nombre considérable de caractères différents a été utilisé, environ 300 (plusieurs types pour une même lettre, abréviations, signes ligaturés…). Du reste, des analyses numériques ont récemment fait apparaître de telles dissemblances entre deux lettres censément imprimées par le même type, qu’une hypothèse nouvelle a été formulée : ses caractères pourraient avoir été fondus non pas dans des matrices de cuivre, mais dans des moules à usage unique. Gutenberg a utilisé deux jeux de caractères typographiques, celui de la B42, et celui dit DK (Donat-Kalender), qui fut peut-être utilisé avant la B42 pour produire des indulgences.
Les deux volumes de la Bible de Gutenberg ont intégré la bibliothèque de Mazarin dans les années 1640, dans des circonstances et à une date encore inconnue. On ne sait pas non plus qui furent ses propriétaires antérieurs. Vendue aux enchères en février 1652 au moment de la Fronde, avec l’ensemble de la bibliothèque du cardinal, elle fut alors acquise par Jean Joubert, avocat au Parlement de Paris, qui y porta son ex-libris et quelques notes de lecture, mais la restitua en 1654 à Mazarin après son retour au pouvoir. Mais le cardinal ne sut jamais qu’il possédait la Bible de Gutenberg, car si on supposait son existence, aucun exemplaire n’en fut précisément identifié avant le XVIIIe siècle.
C’est le libraire bibliographe Guillaume François Debure qui, observant justement l’exemplaire de la Mazarine au début des années 1760, l’identifia avec certitude puis publia sa découverte en 1763 dans sa Bibliographie instructive. Les circonstances de cette découverte expliquent que la B42 soit aussi désignée sous le nom de Bible Mazarine.
Une excellente synthèse bibliographique de l’état des recherches sur la B42 a été publiée par la British Library.
Yann Sordet, Bibliothèque Mazarine