De Garamont aux Garamond(s) : une aventure typographique
De Garamont aux Garamond(s) : une aventure typographique

I. Aux origines du « Garamond »

   Au début du XVe siècle, des humanistes italiens cherchent à renouer avec la culture antique. Désirant s’affranchir du passé le plus récent, ils rejettent l’écriture gothique, épaisse et noire, pour lui substituer une calligraphie « humanistique » souple et lumineuse, directement inspirée de deux écritures jugées « antiques » : la capitale monumentale romaine et la minuscule carolingienne. Cette calligraphie humanistique est transposée en typographie dès l’installation des premières presses en Italie en 1465 : c’est la naissance du caractère romain, dont le dessin est ensuite progressivement perfectionné par des imprimeurs comme Nicolas Jenson et Alde Manuce.

   Employé en France dès 1470, le caractère romain reste longtemps réservé aux textes humanistes en langue latine. La situation change en 1527, lorsque François Ier décide de promouvoir l’usage conjoint de la langue française et de la lettre romaine, afin d’augmenter le prestige culturel du royaume. La fin de la décennie 1520 apparaît ainsi comme un moment d’intense réflexion pour les typographes parisiens soucieux d’obéir à l’injonction royale. Ce processus aboutit à l’introduction de caractères très nouveaux par Robert Estienne en septembre 1530, au moment précis où Claude Garamont, adolescent, débute son apprentissage.

1. L’écriture de l’humanisme

ARISTOTE. Ethica. [Italie, seconde moitié du XVe siècle]

Caractéristique de la production italienne du Quattrocento, ce volume, agrémenté d’un décor à bianchi girari, est calligraphié dans une humanistique parfaitement régulière. Cette écriture, qui associe les formes de la minuscule caroline à celles de la capitale romaine antique, est élaborée dans les premières années du XVe siècle par des humanistes comme Poggio Bracciolini, Coluccio Salutati ou Niccolò Niccoli, alors désireux de rompre avec la tradition gothique. Diffusée depuis Florence, portée par le mouvement humaniste, elle se répand rapidement à l’ensemble de la péninsule italienne. Elle ne s’impose cependant au reste de l’Europe que dans la première moitié du XVIe siècle, par l’intermédiaire de la typographie : elle constitue en effet le prototype des caractères romains.

Mazarine : Ms 3468


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