De Garamont aux Garamond(s) : une aventure typographique
De Garamont aux Garamond(s) : une aventure typographique

III. La longévité du « Garamond » sous l’Ancien Régime

  Dispersés après sa mort en 1561, les matériels de Claude Garamont se répandent largement en Europe. Fondus à partir des matrices originales ou imités par de nouveaux graveurs, les caractères romains de Garamont sont continuellement employés tout au long de l’Ancien Régime. Il faut attendre l’extrême fin du XVIIIe siècle pour qu’un typographe parisien, François-Ambroise Didot, introduise une typographie de style néoclassique qui finit par remplacer les caractères de la Renaissance.

  Éclipsés pendant un demi-siècle, les types anciens sont cependant réhabilités à partir des années 1850. En faisant graver des caractères imitant ceux de la Renaissance, l’imprimeur lyonnais Louis-Benoît Perrin lance la mode des caractères dits « elzéviriens », qui réhabilitent les formes anciennes auprès du lectorat français. Cette évolution conduit Arthur Christian, le directeur de l’Imprimerie nationale, à remettre en usage des caractères anciens, qui sont diffusés par son établissement sous le nom de « Garamond » à partir de 1900. C’est le début d’une véritable « Garamonomanie » : en l’espace de quelques années, plusieurs dizaines de revivals sont mis en circulation, non seulement en France mais aussi en Allemagne, en Grande-Bretagne et aux États-Unis, où ils s’imposent massivement dans la presse, l’édition et la publicité. L’histoire du « Garamond » accompagne ainsi la mutation des industries graphiques tout au long du XXe siècle depuis l’arrivée des fondeuses-composeuses mécaniques jusqu’à l’informatique, en passant par la photocomposition.

55. Sous les presses de l’Imprimerie royale

Thomas A KEMPIS. De imitatione Christi libri IV. – Paris : Imprimerie royale, 1640.

Première publication de l’Imprimerie royale créée au Louvre à l’initiative de Richelieu, cette spectaculaire Imitatio Christi est entièrement composée avec des caractères du siècle précédent : le Gros-Canon romain gravé par Claude Garamont en 1549 (n° 49) est ici employé pour la composition du texte principal. Il est associé à une italique de Robert Granjon. Illustrée de gravures de Claude Mellan exécutées d’après des dessins de Jacques Stella, cette édition constitue une forme de manifeste esthétique de la toute nouvelle imprimerie d’État.

Mazarine : 2° 2084

 


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