De Garamont aux Garamond(s) : une aventure typographique
De Garamont aux Garamond(s) : une aventure typographique

IV. La résurrection

   Durant la première moitié du XIXe siècle, qui voit triompher le style néoclassique des Didot, les caractères de Claude Garamont sont entièrement délaissés. Pourtant, après cette éclipse d’un demi-siècle, les types anciens sont réhabilités, grâce à l’initiative d’un imprimeur lyonnais, Louis Perrin, qui fait graver des caractères imitant ceux de la Renaissance. Perrin lance ainsi dans les années 1850 la mode des caractères dits « elzéviriens », qui réhabilitent les formes anciennes auprès du lectorat français.

   Cette évolution conduit Arthur Christian, le directeur de l’Imprimerie nationale, à remettre en usage des types anciens, ceux de Jean Jannon, qui sont diffusés par son établissement sous le nom de « Garamond » à partir de 1900. C’est le début d’une véritable « Garamonomanie » : en l’espace de quelques années, plusieurs dizaines de revivals sont mis en circulation, non seulement en France mais également en Allemagne, en Grande-Bretagne, aux États-Unis et en Italie où ils s’imposent massivement dans la presse, l’édition et la publicité.

   L’histoire du « Garamond » accompagne ainsi la mutation des industries graphiques tout au long du XXe siècle depuis l’arrivée des fondeuses-composeuses mécaniques jusqu’à l’informatique, en passant par la photocomposition.

65. 1847 : une erreur d’attribution

« Spécimen des caractères romains employés par l'Imprimerie royale de 1640 à 1846 » dans [Eugène Burnouf]. Notice sur les types étrangers du spécimen de l’Imprimerie royale. – Paris : Imprimerie royale, 1847.

Étonnamment intégré à une Notice sur les types étrangers, ce tableau synoptique présente l’ensemble des caractères latins en usage à l’Imprimerie royale. Repris à l’identique dans l’Histoire de l’Imprimerie impériale de France de François Duprat en 1861, il connaît une diffusion relativement large et est à l’origine d’un important quiproquo : dans la colonne de gauche, les « Caractères de l’Université » commandés à Jean Jannon en 1641 (n° 53 et 54) sont attribués à Claude « Garamond », et datés par erreur de 1540. Cette attribution erronée fera longtemps autorité : dès lors, les types de Jean Jannon passeront pour le modèle original du « Garamond ».

Mazarine : 2° 4771 D


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